Articlé rédigé en partenariat avec l’AAMOI, l’Association d’Aide aux Maîtres d’Ouvrage Individuels
Les premiers pas sont bien souvent difficiles, et le monde de la construction ne fait pas figure d’exception. A juste titre, car la concrétisation de votre projet demande beaucoup d’investissement et de ressources en général : on ne sait pas toujours dans quoi on peut s’embarquer.
Afin de favoriser le lancement d’un tel projet, la loi a ainsi conféré aux maîtres d’ouvrage qui se décidaient à démarrer l’aventure la faculté de se rétracter après coup. Aussi appelé « délai de réflexion », ce droit permet à toute personne non professionnelle décidant de faire construire ou d’acquérir un immeuble à usage d’habitation, entre autres, de revenir sur sa décision.
Cette faculté constitue un véritable atout pour aborder votre entreprise avec davantage de sérénité, tout en permettant de revenir en arrière en cas de doute ou même d’erreur commise trop tôt.
Mais comment fonctionne exactement cette faculté ? Quelles sont les règles encadrant sa mise en œuvre et quelles peuvent en être les conséquences ?
Pour la référence légale, il faut ici se reporter à l’article L 271-1 du Code de la construction et de l’habitation qui pose le principe de cette faculté, définit son champ d’application et les conditions de sa mise en œuvre.
Le droit de rétractation : comment ça marche ?
Il faut tout d’abord noter que cet article constitue une exception en matière immobilière au délai de rétractation offert plus généralement à tout consommateur.
Ensuite, ce ne sont pas tous les achats immobiliers qui confèrent un tel droit aux acquéreurs. L’article L 271-1 précise bien qu’il s’agit des immeubles à usage d’habitation. Cela ne profite donc pas à l’acquéreur d’un bien immobilier à usage mixte (à usage d’habitation et professionnel) ou purement professionnel.
L’article n’aborde pas la question de l’acquisition d’un terrain seul. Il faut à priori considérer qu’une telle acquisition n’offre donc pas la possibilité de se rétracter. Le code de l’urbanisme prévoit tout de même une exception : si le terrain est situé dans un lotissement soumis à permis d’aménager, l’acquéreur peut bénéficier du délai de rétractation offert par l’article L 271-1 du Code de la construction.
Enfin, cette faculté est bien réservée à un acquéreur non professionnel. En revanche la qualité du vendeur importe peu qu’il soit professionnel ou non.
Les conditions de sa mise en oeuvre
Un usage complètement libre et gratuit
Commençons par le plus important : l’usage de cette faculté ne va rien coûter au maître d’ouvrage puisque ce dernier ne sera redevable d’aucune indemnité envers la partie avec laquelle il avait conclu le contrat (vendeur, constructeur).
Il n’y a pas non plus besoin d’apporter la moindre justification quant à l’usage de cette faculté : vous n’avez besoin d’aucun motif.
Le point de départ du délai
Pour savoir quand démarre ce délai de 10 jours, l’article énonce que ce délai commence à courir le lendemain de la présentation de la lettre lui notifiant l’acte (par lequel il a acquis un bien immobilier ou entamé un projet de construction).
Tant que vous n’avez pas reçu cette notification, le délai ne commence pas à courir, mais vous pouvez évidemment faire usage de votre faculté de rétractation quand bon vous semble.
L’article indique également que cette notification doit être adressée sous forme de recommandé avec accusé de réception, précisément afin déterminer avec certitude le point de départ du délai pour faire usage de votre droit de rétractation.
La loi précise également que tout autre moyen présentant des garanties équivalentes quant à la détermination de la date de réception ou de remise peut fonctionner. C’est le cas par exemple lorsque l’acte est conclu sous forme authentique et que la notification vous est faite par la remise en mains propre par le notaire. A noter que c’est le seul cas où la remise en mains propre est valablement retenue.
Dès lors que la notification n’a pas été effectuée conformément, il faut considérer que le délai n’a pas commencé à courir et donc qu’il peut être fait usage de votre droit de rétractation à tout moment.
Les mêmes règles de forme s’appliquent aussi pour l’usage de cette faculté. La plus simple reste encore la lettre recommandée avec accusé de réception.
Sur le décompte des jours et le terme du délai
Les jours pendant lesquels le droit de rétractation peut être utilisé sont décomptés de manière calendaire. Les week-end et jours fériés sont donc aussi compris dans le décompte.
Que ce passe t‘il si le délai pour me rétracter se termine un jour férié ? Le délai est prorogé jusqu’à l’expiration de la dernière heure du premier jour ouvrable suivant.
Les conséquences de la rétractation
Dès lors que vous avez notifié faire usage de votre droit de rétractation, le contrat est purement et simplement anéanti tant pour le passé que pour l’avenir : c’est comme s’il n’avait jamais existé. Cela va avoir plusieurs conséquences.
D’abord, toutes les sommes que vous auriez pu verser doivent vous être restituées, notamment les acomptes et autres indemnités d’immobilisation. Ce remboursement doit intervenir dans un délai de 14 jours à compter de la date à laquelle le professionnel (vendeur, constructeur) a été informé de votre volonté de vous rétracter.
Autre effet important, le contrat n’existant plus, il n’est pas possible de revenir sur sa rétractation. Si vous souhaitez revenir sur votre décision, il faudra nécessairement repasser par un nouveau contrat, quitte à ce qu’il soit exactement identique.
En cas de pluralité de l’acquéreur
L’exemple classique et le plus courant, même si ce n’est évidemment pas le seul, est celui d’époux. Les règles sur le droit de rétractation changent peu mais elles deviennent tout de même plus contraignantes pour le professionnel tout en restant aussi simple, si ce n’est plus, pour les consommateurs.
Dans de telles hypothèses, une notification soit être spécifiquement adressée à chacun des acquéreurs, de sorte qu’ils soient tous bien informés de la possibilité de faire usage de leur droit de rétractation.
Si une seule lettre (recommandée avec accusé de réception) peut être adressée au nom de 2 époux, l’accusé doit bien être signé par chacun d’eux. A défaut, la notification ne sera pas considérée comme effective à l’encontre de celui qui n’aura pas signé (et il pourra donc en faire usage à tout instant).
Il existe une seule exception à ce principe. Il s’agit de l’hypothèse selon laquelle un mandat a été donné par l’un des époux à l’autre pour signer en son nom. Dans ce cas, la signature de celui ayant reçu le mandat sur l’accusé de réception suffit.
En revanche, quelle que soit la situation, l’usage du droit de rétractation d’un seul des acquéreurs est suffisant pour anéantir totalement le contrat. La Cour de cassation considère en effet que chacun d’eux a la qualité pour se prévaloir de la rétractation de l’autre.
Attention : pas de rétractation en salon !
Par exception, la loi a établi un principe selon lequel les achats effectués en foire ou en salon ne confèrent pas à leur acquéreur la faculté de se rétracter. L’idée est que s’agissant de lieux spécifiquement destinés au commerce, les règles protectrices du consommateur en cas de démarchage n’ont pas lieu à s’appliquer.
Le vendeur professionnel aura tout de même l’obligation d’alerter les consommateurs sur l’absence de faculté de rétractation s’ils se décident à conclure un contrat et cette information doit être effectuée de manière parfaitement claire et lisible.
Là encore le principe comporte sa petite exception. En cas de souscription d’un crédit, en vue de faire un achat en salon, le contrat par lequel est souscrit le crédit confère au souscripteur la faculté de se rétracter. Et si le consommateur en fait usage pour annuler le crédit, l’achat effectué en salon sera annulé également, et toujours sans avoir à justifier du moindre motif ni à verser la moindre indemnité.
Vous avez des questions sur votre projet de construction ? Posez les aux membres de la communauté Kozikaza !
Pour conclure
Le droit de rétractation offert par l’article L 271-1 du Code de la construction dispose ainsi d’un champ d’application bien précis et ne peut donc profiter à tout le monde. Il offre néanmoins à ceux ayant la chance de pouvoir en bénéficier un moyen efficace de revenir sur un engagement, qui ne nécessite aucun motif et n’engendre aucun frais, si ce n’est le coût du recommandé qui servira à informer votre contractant de l’usage de cette faculté.
Il faut toutefois bien mesurer la portée de ce droit avant d’en faire usage : toute rétractation est en effet définitive. Il s’agit cette fois-ci d’une décision sur laquelle il ne sera pas possible de revenir.